lundi 8 juillet 2013

Marie Taglioni, ou l'art de créer la beauté.

Marie Taglioni (1804-1884) est une des grandes danseuses de la période romantique. Personnalité exceptionnelle, Marie Taglioni ne danse pas comme les autres. Elle a un style qui lui est propre, un style jamais vu, lyrique, pur et inspiré.

Marie Taglioni (1804-1884)
En 1832, elle crée le ballet La Sylphide à l'Opéra de Paris. Marie Taglioni est d'abord la danseuse qui a perfectionné les pointes, jusqu'à être une danseuse qui ne touche pas terre. 



 Marie Taglioni n'est pas belle, mais quand elle danse, elle crée la beauté. Sous l'égide de son professeur de père, et par la rigueur de son travail, elle a su tirer parti de ce qui apparaissait comme des défauts. 


Elle raconte dans ces mémoires ses séances de travail, ses observations sur sa personne et comment elle est devenue maîtresse de son art:

"Dans ces six heures de travail, deux au moins étaient employées rien qu'à des exercices, dont des milliers pour chaque pied. C'était extrêmement pénible, aride et ennuyeux, mais c'est le seul moyen d'assouplir les nerfs, de les fortifier, d'arriver à une certaine perfection. Aussi, à mon plus grand apogée, n'ai-je jamais négligé de les pratiquer. Ils m'ont donné une grande souplesse et rendu faciles toutes les difficultés".

"Puis deux heures étaient employées à ce que j'appellerai les aplombs, ou adagio.
Ainsi, me tenant sur un seul pied, je prenais des poses qu'il fallait développer doucement. Lorsque la pose offrait de grandes difficultés, je tâchais de la garder et je comptais jusqu'à cent avant de la quitter. Avec cette persévérance, j'en devenais tout à fait maîtresse. (...) J'étais parvenue à une très grande perfection dans ce genre. Ça m'a beaucoup servi et plaisait énormément au public. Je recourais à ces poses quand j'avais besoin de repos, tandis que pour les autres artistes, c'est généralement une fatigue".

"Voici quatre heures de mon travail à peu près expliquées. Les deux autres étaient employées à sauter. Que c'est difficile, dangereux et fatigant. C'est avec de grands ménagements qu'on y arrive. (...)
Dans tous mes mouvements je restais droite, sans raideur. On ne m'entendait pas retomber, car c'est toujours la pointe des pied qui arrivait la première, et le talon redescendait doucement à terre. J'adorais ces pas où j'avais des élans dans lesquels je ne sentais presque point la terre. Réellement, je "vibrais" dans l'air".

"J'avais acquis une grande perfection dans la pose de mes bras. Jamais ils ne me servaient pour faire un effort. Ils étaient toujours souples. Mais mains aussi avaient des mouvements gracieux. Cependant elles étaient plutôt grandes, mais je m'en était beaucoup occupées. Lorsque l'on doit paraitre devant le public, naturellement on s'expose à des critiques. C'est pourquoi il faut faire une étude de toute sa personne, voir ses défauts et chercher autant que possible à en faire des qualités. Ainsi je n'étais pas jolie, le haut de mon corps laissait à désirer. J'étais mince sans être maigre. Mes jambes étaient très bien faites, un peu allongées mais bien proportionnées. Mon pied remarquablement petit et gracieux. Je savais marcher sur la scène comme personne. Enfin, ce que je vais dire paraitra peut-être ridicule, j'avais les pieds et les mains spirituels".

"J'avais toujours éviter de faire des grâces ou de minauder. Ma figure exprimait le bonheur. Quand je dansais je souriais, je ne riais pas, j'étais heureuse.
Un des grands reproches que me faisait mon père, c'est que je ne me tenais pas
assez droite. Il me survint une douleur à la poitrine: lorsque que je me courbais en avant, elle me faisait beaucoup souffrir, et m'obligeait forcément à me tenir droite. Mon père, qui ne se doutait pas de mon mal, était enchanté de ma tenue et me félicitait chaque jour. Aussi dans ma prière du soir et du matin, demandais-je à Dieu de me conserver cette douleur. Elle finit cependant par se passer, et je continuais à me tenir droite. Je fus bien persuadée alors qu'il ne s'agissait que de vouloir".