mardi 24 septembre 2013

Le sentiment de la beauté, chez les scientifiques.


Dans Le cosmos et le lotus, l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan nous livre sa réflexion sur la beauté d'une théorie scientifique:
"Albert Einstein lui-même écrit à la fin de son premier article sur la relativité générale: " Toute personne qui comprendra cette théorie ne pourra échapper à sa magie."
" Ordre harmonieux, simplicité, cohérence, magie: autant de définitions que de grands pratiquants de la science donnent de la beauté. Je vais essayer de cerner à mon tour ce que j'entends par une " belle théorie"."

Albert Einstein

"Sa première qualité, c'est qu'elle possède un air d'inévitabilité. Rien ne peut-être changé sans détruire son harmonie et son équilibre. La théorie de la relativité générale d'Einstein est, de l'avis de tous les spécialistes, l'édifice intellectuel le plus beau jamais construit par un esprit humain. Et cela parce qu'elle est inévitable. C'est un sentiment comparable à celui que l'on éprouve à l'audition d'une fugue de Bach: pas une note n'aurait pu être changée sans en rompre l'harmonie."

"La deuxième qualité d'une belle théorie, c'est qu'elle se doit d'être simple. Il ne s'agit pas ici de la simplicité des équations dans la théorie, mais de celle des idées qui la sous-tendent. Cette simplicité est aussi souvent appelée "élégance". Par exemple, l'univers héliocentrique de Nicolas Copernic où les planètes tournent autour du Soleil est beaucoup plus simple et élégant que l'univers géocentrique de Ptolémée où la Terre occupe la place centrale et où les planètes se déplacent sur des épicycles. Une belle théorie satisfait au postulat de simplicité exprimé par le "rasoir d'Occam" énoncé au XIVème siècle par le théologien et philosophe Guillaume d'Occam, qui consiste à éliminer systématiquement toute hypothèse non nécessaire à l'explication d'un fait. Considérant que l'explication simple d'un phénomène a plus de chances d'être vraie qu'une explication compliquée: "Tout ce qui n'est pas nécessaire est inutile." Dans l'histoire des sciences, chaque fois qu'une théorie initialement simple a dû être complexifiée pour rendre compte de nouvelles données (comme la théorie géocentrique où Ptolémée devait ajouter de plus en plus d'épicycles pour expliquer les observations plus précises des planètes), celle-ci s'est révélée erronée."

"La dernière qualité d'une belle théorie est qu'elle fait coïncider beauté et vérité, qu'elle est conforme à la nature. D'après Heisenberg, " la Beauté est la conformité des parties les unes avec les autres et avec le Tout". Ainsi la théorie de la relativité est belle parce qu'elle a connecté et unifié des concepts fondamentaux de la physique jusque là totalement distincts: le temps et l'espace, la masse et l'énergie, la matière et le mouvement. C'est ce désir esthétique de conformité qui a aiguillonné les efforts des physiciens, depuis deux siècles, pour trouver une théorie du Tout qui inter-connecterait tous les phénomènes physiques de l'univers, qui unifierait les quatre forces fondamentales de la nature en une seule. Une théorie est d'autant plus belle qu'elle révèle des connexions inattendues à chaque nouveau tournant, au fur et à mesure que les chercheurs explorent sa structure plus en détail, mais toujours en conformité avec la nature. La relativité satisfait au plus haut point à ce critère. Elle ne cesse de nous étonner par ses richesses imprévues. Einstein lui-même fut le premier surpris quand il découvrit que ses équations de relativité générale lui imposaient un univers en expansion, alors que les observations de son temps, en 1915, indiquaient un univers statique. Le physicien n'eut pas assez confiance en la beauté et en la véracité de ses équations. Il les modifia, ce qu'il qualifia de " plus grande erreur de [sa] vie", quand l'astronome américain Edwin Hubble découvrit l'expansion de l'univers en 1929. Depuis, la relativité générale continue de nous révéler des objets inouïs dans l'univers, dont l'existence a toujours été vérifiée par l'observation astronomique: pulsars, trous noirs et autres lentilles gravitationnelles. Inévitable, simple et conforme au Tout: tels sont les traits d'une belle théorie. Parmi toutes les théories rivales qui s'offrent pour expliquer un ensemble de faits, je choisis invariablement celle qui est la plus belle, car j'ai l'intime conviction que c'est elle qui est la plus proche de la vérité." 


Vertige...
"Au moment où j'écris ces lignes, la Terre nous entraîne à travers l'espace à 30 km par seconde dans son voyage annuel autour du Soleil. Celui-ci emmène à son tour la Terre dans son périple autour de la Voie Lactée à 230 km par seconde. La Voie Lactée tombe elle- même à 90 km par seconde vers sa compagne Andromède. Et ce n'est pas fini: le Groupe Local qui contient notre galaxie et Andromède tombe à quelques 600 km par seconde, attiré par l'amas de la Vierge et par le superamas local, celui de l'Hydre et du Centaure. Le ballet ne s'arrête pas là:ce dernier tombe quant à lui vers une grande agglomération de dizaines de milliers de galaxies appelées le " Grand Attracteur"."

Texte extrait de  
Le cosmos et le lotus, de Trinh Xuan Thuan
éditions Albin Michel

jeudi 5 septembre 2013

Christian Ferras, en majesté

"Chez Christian Ferras, le phrasé, l'équilibre d'une interprétation, l'instinct de dire juste ce qu'il faut et jamais trop, se sont toujours imposés d'une façon éclatante.
La sonorité maintenant a atteint sa pleine richesse, à la fois pure, lumineuse et intense, toujours servie par une virtuosité qui se laisse totalement oublier. Il faut y ajouter un goût français de la clarté, de l'élégance. Un raffinement latin qui adoucit le romantisme, l'humanise au lieu de le dramatiser."
Nicole Hirsch, Diapason 1965



Je vous recommande le témoignage de Pierre Barbizet, sur sa rencontre avec Christian Ferras. Cliquez ici