vendredi 26 février 2010
Du chalumeau aux anneaux mobiles
L'évolution des possibilités techniques de la clarinette est étroitement liée à l'évolution de la facture instrumentale.
L'adjonction progressive des clés sur la clarinette, du chalumeau jusqu'au système des anneaux mobiles de Boehm, a permis de jouer de plus en plus de notes avec toujours plus de facilité.
Quand le nombre de clés était réduit, jouer dans des tonalités de plus que 2 dièses ou 2 bémols était quasiment impossible.
On utilisait donc des clarinettes dans différents tons (ut, si bémol ou la).
Par exemple, une partition en la majeur (3 #) était jouée avec la clarinette en la, se retrouvant ainsi écrite en do majeur, donc sans altération à la clé.
En 1811, au moment où le nombre de clés sur l'instrument a permis d'envisager de pouvoir tout jouer avec une seule clarinette, le clarinettiste et facteur Iwan Müller a considéré que la clarinette en si bémol serait, des trois instruments, le meilleur choix. C'est en effet l'instrument qui semblait le plus équilibré et avec des qualités acoustiques supérieures aux autres.
Pour promouvoir sa clarinette "omnitonique", il l'a présenté en 1812 à d'éminents interprètes au Conservatoire de Paris. Mais ceux-ci ont rejeté l'idée d'éliminer la clarinette en ut et en la.
En effet, ils ont fait remarquer que "nos clarinettes, par leurs différentes proportions, produisent différents caractères de son. Ainsi la clarinette en ut a une sonorité brillante et vive, la clarinette en si bémol sonne pathétique et majestueuse et la clarinette en la est propre au genre pastoral. Il est incontestable que la nouvelle clarinette de M Müller, si elle était adoptée exclusivement, priverait les compositeurs de la ressource que leur donne l'emploi de ces caractères très distincts".
clarinette Baumann-Paris, modèle à 6 clés
L'emploi des clarinettes en ut, sib ou la va, de fait, être conservé pour la richesse de leurs sonorités respectives, par des compositeurs comme notamment Richard Strauss, Gustav Malher, ou encore Igor Stravinsky (dans ses 3 pièces pour clarinette seule).
Voici un commentaire de Berlioz, concernant l'usage des différentes clarinettes: "En général, les exécutants devraient jouer l'instrument indiqué par le compositeur. Puisque chacun de ces instruments a son caractère propre, on doit supposer que le compositeur a préféré un ou l'autre pour le bien d'un timbre précis et non pas par caprice. Persister - comme le font certains virtuoses- à tout jouer en transposant avec la clarinette en si bémol, est, dans la plupart des cas, un acte de déloyauté envers le compositeur".
Frédéric Beer
Dans une époque où cohabitent différentes clarinettes, différents diapasons, les grands clarinettistes (qui généralement sont aussi facteurs et pédagogues) vont jouer un rôle prépondérant dans l'évolution de la technique de jeu.
Ainsi, quand en France les clarinettistes jouent l'anche vers le haut (d'où le nom "mentonnière" pour la partie supérieure du bec), les allemands jouent avec l'anche vers le bas.
Dans son Traité, Frédéric Beer note que "le fameux Baermann, celui que nous écoutâmes à Paris en 1818, joua piano d'une façon jusqu'ici inconnue. Il joua une phrase de 4 mesures très fort, puis répéta la phrase si doucement que le son semblait venir d'une autre salle. La lèvre inférieure est plus forte et mobile que la lèvre supérieure, ce qui permet de tenir l'embouchure sans fatiguer, avec une souplesse permettant un jeu plus dynamique. Cette position permet à l'interprète de respirer sans gêne pour l'embouchure, et tenir la tête droite sans avoir besoin de lever le pavillon. Cette position facilite aussi le staccato grâce au contact de la langue sur l'anche.
Je maintiens que mes élèves du Conservatoire doivent jouer avec l'anche en-dessous; après 2 semaines de travail, ils préfèreront cette manière de jouer à l'ancienne".
C'est grâce à lui que nous jouons comme cela en France (même si Beer jouait avec la technique double lèvre, c'est-à-dire avec la lèvre du haut entre les dents et le bec).
Hyacinthe Klosé
La clarinette 13 clés va finalement être adoptée, jusqu'à ce que Hyacinthe Klosé lui applique le mécanisme des anneaux mobiles inventé par le flûtiste et facteur Theobald Boehm. Le prototype, réalisé en collaboration avec Louis-Auguste Buffet fut présenté (et médaillé) en 1839, à l'exposition de Paris.
Cette clarinette à 24 trous contrôlés par 6 anneaux et 17 clés, montés sur tige, avec des leviers croisés pour les notes graves permet un jeu rapide et précis, éliminant les doigtés "fourches" et évitant ainsi de devoir systématiquement glisser les doigts entre deux notes dans le grave.
Berlioz a écrit à propos de Klosé: "la facilité avec laquelle il se joue des plus scabreuses difficultés de l'instrument n'est pas son principal mérite. Il en possède un autre: je veux parler de l'embouchure et de la qualité du son. La voix humaine à mon gré ne s'approche même pas du velouté et de la tendresse mélancolique de ces sons de clarinette."
Cette clarinette va peu-à-peu s'imposer et la technique de jeu progresser, grâce aussi à la fameuse méthode Klosé et différents cahiers d'études. Klosé a succédé à Frédéric Beer comme professeur au Conservatoire de Paris.
La clarinette que nous jouons de nos jours est très proche de cette clarinette, tandis que la clarinette "système allemand" (jouée notamment en Allemagne et en Autriche) est directement issue de la clarinette Müller.
Y a t-il un formaliste pour nommer les clefs ? Différentes méthodes les numérotent différemment et parfois leur donne des noms simples, p. ex. A ou C#... C'est particulièrement déroutant pour le clarinettiste débutant (que je suis)
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