Voici la genèse du Quatuor pour la fin du Temps:
1939, de Paris à Verdun
Le compositeur Olivier Messiaen est organiste principal de l'église de la Trinité à Paris, professeur à l'École Normale de Musique et à la Schola Cantorum. Déclaré inapte au service actif en raison de sa mauvaise vue, Messiaen est envoyé comme infirmier auxiliaire à Verdun.
Étienne Pasquier est membre du trio éponyme, et deuxième violoncelle au Théâtre National de l'Opéra de Paris. Mobilisé quand la guerre est déclarée, puis malade, il est transféré à Verdun. C'est là qu'il rencontre et se lie d'amitié avec Messiaen.
Le clarinettiste Henri Akoka, premier prix du Conservatoire de Paris (en 1935), est membre de l'Orchestre National de la Radiodiffusion. Mobilisé, il est envoyé à l'orchestre militaire de Verdun.
C'est à Verdun que Messiaen entreprend d'écrire pour Akoka une
pièce pour clarinette seule.
Mais le 20 juin, les trois musiciens sont contraints de fuir. Ils sont capturés par l'armée allemande, puis parqués en plein air près de Nancy.
1940, camp de transit près de Nancy
C'est là qu'Akoka, qui ne se sépare jamais de sa clarinette, joue pour la première fois Abîme des oiseaux. En voici le récit par Etienne Pasquier, "pupitre" de fortune:
"Nous avons été capturés à Verdun. L'ensemble de notre compagnie a été détenu initialement dans un grand domaine près de Nancy. Parmi nos camarades il y avait un clarinettiste qui avait été autorisé à conserver sa clarinette. Messiaen a commencé à écrire une pièce pour lui alors que nous étions encore dans ce domaine, étant donné qu’il était la seule personne avec un instrument. Et Messiaen a écrit un solo qui devait devenir le troisième mouvement du Quatuor. Le clarinettiste répétait dans ce champ à l’air libre et je lui servais de pupitre. La pièce lui semblait trop difficile d'un point de vue technique et il s’est plaint auprès de Messiaen. « Tu te débrouilles » fut la seule réponse de Messiaen."
1940, à Görlitz
Après trois semaines dans ce camp de transit, Messiaen, Pasquier et Akoka sont envoyés dans un camp allemand de prisonniers de guerre en Silésie, au Stalag VIIIa à Görlitz-Moys.
Ils sont bientôt rejoints par un nouveau prisonnier: le violoniste Jean le Boulaire. Ce dernier est placé dans la même baraque et le même le lit superposé que le clarinettiste Akoka.
Tous les protagonistes du quatuor sont donc maintenant
réunis. Seul se pose le problème des instruments, comme l'explique Le
Boulaire: "Il y avait quarante mille détenus et seulement quatre ou cinq
violons, un ou deux violoncelles, et un piano. Le seul instrument
personnel était la clarinette d'Akoka. Nous devions nous partager ces
instruments, parce que les Anglais et les Polonais voulaient aussi
jouer. Cela provoquait des situations odieuses. Comment sommes-nous
arrivés à jouer de Quatuor de Messiaen dans de telles conditions? Ce fut
très difficile."
Messiaen écrit pour ses compagnons de captivité un trio: l'Intermède, bientôt complété par les autres mouvements avec piano: " Au Stalag se trouvaient avec moi un violoniste, un clarinettiste et le violoncelliste Etienne Pasquier. J'écrivis tout de suite pour eux un petit trio sans prétention qu'ils me jouèrent aux latrines, car le clarinettiste avait emporté sa clarinette et on avait fait cadeau à Pasquier d'un violoncelle à trois cordes. Enhardi par ces premières sonorités, je gardai ce trio comme intermède et lui ajoutai progressivement les sept pièces qui l'entourent, portant ainsi à huit le nombre total des parties de mon Quatuor pour la fin du Temps."
La Louange à l'Éternité de Jésus, pour violoncelle et piano, est la cinquième pièce du Quatuor.
1939, de Paris à Verdun
Le compositeur Olivier Messiaen est organiste principal de l'église de la Trinité à Paris, professeur à l'École Normale de Musique et à la Schola Cantorum. Déclaré inapte au service actif en raison de sa mauvaise vue, Messiaen est envoyé comme infirmier auxiliaire à Verdun.
Olivier MESSIAEN |
Le clarinettiste Henri Akoka, premier prix du Conservatoire de Paris (en 1935), est membre de l'Orchestre National de la Radiodiffusion. Mobilisé, il est envoyé à l'orchestre militaire de Verdun.
Henri AKOKA |
Mais le 20 juin, les trois musiciens sont contraints de fuir. Ils sont capturés par l'armée allemande, puis parqués en plein air près de Nancy.
1940, camp de transit près de Nancy
C'est là qu'Akoka, qui ne se sépare jamais de sa clarinette, joue pour la première fois Abîme des oiseaux. En voici le récit par Etienne Pasquier, "pupitre" de fortune:
"Nous avons été capturés à Verdun. L'ensemble de notre compagnie a été détenu initialement dans un grand domaine près de Nancy. Parmi nos camarades il y avait un clarinettiste qui avait été autorisé à conserver sa clarinette. Messiaen a commencé à écrire une pièce pour lui alors que nous étions encore dans ce domaine, étant donné qu’il était la seule personne avec un instrument. Et Messiaen a écrit un solo qui devait devenir le troisième mouvement du Quatuor. Le clarinettiste répétait dans ce champ à l’air libre et je lui servais de pupitre. La pièce lui semblait trop difficile d'un point de vue technique et il s’est plaint auprès de Messiaen. « Tu te débrouilles » fut la seule réponse de Messiaen."
1940, à Görlitz
Après trois semaines dans ce camp de transit, Messiaen, Pasquier et Akoka sont envoyés dans un camp allemand de prisonniers de guerre en Silésie, au Stalag VIIIa à Görlitz-Moys.
Ils sont bientôt rejoints par un nouveau prisonnier: le violoniste Jean le Boulaire. Ce dernier est placé dans la même baraque et le même le lit superposé que le clarinettiste Akoka.
Jean Le Boulaire |
Messiaen écrit pour ses compagnons de captivité un trio: l'Intermède, bientôt complété par les autres mouvements avec piano: " Au Stalag se trouvaient avec moi un violoniste, un clarinettiste et le violoncelliste Etienne Pasquier. J'écrivis tout de suite pour eux un petit trio sans prétention qu'ils me jouèrent aux latrines, car le clarinettiste avait emporté sa clarinette et on avait fait cadeau à Pasquier d'un violoncelle à trois cordes. Enhardi par ces premières sonorités, je gardai ce trio comme intermède et lui ajoutai progressivement les sept pièces qui l'entourent, portant ainsi à huit le nombre total des parties de mon Quatuor pour la fin du Temps."
La Louange à l'Éternité de Jésus, pour violoncelle et piano, est la cinquième pièce du Quatuor.
C'est une adaptation d'Oraison, un mouvement extrait de "Fête des belles eaux", un sextuor d'ondes Martenot commandé à Messiaen pour l'Exposition universelle de 1937.
La Louange à l'Immortalité de Jésus, pour violon et piano est l'ultime pièce du Quatuor.
Elle reprend un mouvement du Dyptique pour orgue, que Messiaen a composé en 1930. Écoutez à 5'15:
Les autres pièces, écrites en quatuor, s'appellent Liturgie de cristal (n°1), Vocalise pour l'Ange qui annonce la fin du Temps (n°2), Danse de la fureur pour les sept trompettes (n°6) et Fouillis d'arcs-en-ciel pour l'Ange qui annonce la fin du Temps (n°7).
15 janvier 1941, au Stalag VIIIa
Messiaen a fait un récit quasi légendaire de cette première, avec son "piano droit dont les touches s'abaissaient mais ne se relevaient pas", de la clarinette dont une des clés "s'était trouvée près d'un poêle et avait fondu", ainsi que du violoncelle qui "n'avait, hélas, que trois cordes" (ce qui fut démenti par Pasquier).
Etienne Pasquier rapporte que la première exécution a été un
grand succès, devant des centaines de prisonniers, et a conduit à la
libération de Messiaen et de ses trois collègues ; les Allemands
supposaient - à tort - que les quatre musiciens ne devaient pas être des
combattants.
automne 1981, Pologne
Le musicologue C B Rae a loué une chambre chez les Lyczewski. Alors qu'il y répètait le Quatuor pour la fin du Temps, Lyczewski "se précipita dans la pièce, l'air à la fois confus et bouleversé", rapporte Rae. "Il dit qu'il reconnaissait le morceau. Il me raconta alors son expérience de prisonnier de guerre dans ce même camp. Aleksander s'exprimait avec beaucoup d'émotion en relatant ces évènements. Il avait les larmes aux yeux et il lui fallut du temps pour se remettre. Il avait assisté à la première et il avait gardé un souvenir très vif de l'atmosphère qui régnait dans cette grande baraque glaciale où des centaines de prisonniers (de Pologne, d'Europe centrale et de France) s'étaient rassemblés pour écouter le Quatuor. il se rappelait les compagnons prisonniers assis dans un silence complet pendant une heure ou presque, le temps que fût exécutée l’œuvre. Lui-même avait profondément été touché par cette expérience."
Les circonstances incroyables de la genèse du Quatuor pour la fin du Temps sont racontées par Rebecca Rischin dans le livre: "Et Messiaen composa..." (aux éditions Ramsay).
programme de la première, au Stalag VIIIa |
Le musicologue C B Rae a loué une chambre chez les Lyczewski. Alors qu'il y répètait le Quatuor pour la fin du Temps, Lyczewski "se précipita dans la pièce, l'air à la fois confus et bouleversé", rapporte Rae. "Il dit qu'il reconnaissait le morceau. Il me raconta alors son expérience de prisonnier de guerre dans ce même camp. Aleksander s'exprimait avec beaucoup d'émotion en relatant ces évènements. Il avait les larmes aux yeux et il lui fallut du temps pour se remettre. Il avait assisté à la première et il avait gardé un souvenir très vif de l'atmosphère qui régnait dans cette grande baraque glaciale où des centaines de prisonniers (de Pologne, d'Europe centrale et de France) s'étaient rassemblés pour écouter le Quatuor. il se rappelait les compagnons prisonniers assis dans un silence complet pendant une heure ou presque, le temps que fût exécutée l’œuvre. Lui-même avait profondément été touché par cette expérience."
Les circonstances incroyables de la genèse du Quatuor pour la fin du Temps sont racontées par Rebecca Rischin dans le livre: "Et Messiaen composa..." (aux éditions Ramsay).
tiens Florent écoute, c'est un pote qui joue
RépondreSupprimerIl est pas chanteur (la chanteuse a pas pu venir) mais la musique de Messiaen pète je trouve
http://www.youtube.com/watch?v=wEEUXMVONmA
Formidable article pour cette oeuvre qui est fondamentale.
RépondreSupprimerMerci.