dimanche 26 décembre 2010

musique et langue


Lors de mon voyage à Budapest, un hongrois m'a raconté combien il leur fut difficile d'adapter la musique "rock" à la langue hongroise. Comme si cette musique anglo-saxonne était réservée à l'anglais.
D'après Leonard Bernstein, les musiques populaires sont le reflet des rythmes, accents et vitesses des langues parlées. Le langage, en particulier celui des poètes, que l’on trouve dans les musiques folkloriques, passent finalement dans l’art musical « classique », ce qui fait sonner Tchaïkovski « russe », Verdi « italien » ou Gershwin « américain ».
Dans la langue hongroise, la plupart des mots sont accentués sur la première syllabe, ce que l’on retrouve dans cette musique (le rythme magyar « double-croche pointée », caractéristique chez Bartók est accentué sur la « double »).
Dans la langue française, la plupart des syllabes sont égales (enchaînement consonantique : la consonne d’un mot s’unit à la voyelle du mot suivant) et peu accentuées. Cette langue utilise plus les phonèmes qui résonnent clairement dans la partie antérieure de la bouche, d’où un jeu actif des lèvres et une tension musculaire constante dans l’articulation : la prononciation est élégante et pure, bien timbrée ; l’articulation est énergique,sans dureté, nette sans mollesse.
Tout cela se retrouve aussi dans la musique française.
La langue italienne se reconnaît par ses longues et belles voyelles, et se retrouve dans ses longues et chantantes lignes mélodiques.
Quant à la langue espagnole, ce sont les consonnes qui sont importantes, ce qui confère un aspect plus tranchant et rythmique à sa musique. La langue allemande est quant à elle plus lourde et avec de longs mots, et de longues combinaisons de sons.
Si vous parlez anglais, régalez-vous avec la vidéo suivante (dont j'ai fait un résumé ci-dessus), et les exemples musicaux proposés:

Young People's Concerts, Leonard Bernstein and the New York Philharmonic

A la naissance, les bébés ne crient pas tous de la même manière. Selon des chercheurs de l'institut Max-Planck et le laboratoire des sciences cognitives de l'Ecole normale supérieure de Paris, qui ont analysé plus de vingt heures de cris de nouveau-nés, les nourrissons français ont la voix qui monte tandis que les allemands ont un cri aigu qui descend ensuite vers le grave. Les scientifiques expliquent que l'ouïe est le premier système sensoriel développé par le fœtus. Ce dernier mémoriserait en effet les différentes intonations dans le ventre de la maman.
Les particularités culturelles et la langue ont donc logiquement influencé les écoles nationales de clarinette, même si aujourd'hui, dans notre monde globalisé, ces particularités tendent à s'estomper.
Ainsi, pour exprimer la différence entre la sonorité de l'école de clarinette française et anglaise, Jack Brymer aimait à comparer la manière de chacun de ces pays de prononcer le mot "flûte" ([flyt]) ou "flute" ([flu:t])...

samedi 18 décembre 2010

Bartók et le folklore

Après Buenos Aires, changement total de décor avec Budapest.
Il y a peu de points communs entre l'Argentine et la Hongrie, si ce n'est l'importance des musiques traditionnelles et leur influence chez les compositeurs savants.
Bartók est évidemment la figure emblématique de ces compositeurs qui ont puisé leur inspiration dans les folklores. On peut même le considérer comme un des premiers ethnomusicologues.

Béla Bartók et Zoltan Kodály

Bartók et Kodály ont partagé la volonté de se tourner vers les racines de leur pays, et dès 1905, avec l'aide du phonographe Edison, ils sont partis collecter des milliers de chants populaires et de musiques rurales.
Bartók a élargi ce travail à la Roumanie, la Slovaquie, l'Ukraine, la Bulgarie et jusqu'en Algérie et en Anatolie.


musiques du folklore hongrois

Voici comment Bartók a défini en 1941 sa position de compositeur face au matériau folklorique:
"Concernant les transcriptions de musique folklorique, j'ai quelques remarques à émettre. Ces dernières peuvent être approximativement divisées en 3 catégories:
1: les transcriptions où la mélodie utilisée constitue la part la plus importante de l'œuvre. L'accompagnement ajouté et les préludes et postludes éventuels peuvent être seulement considérés comme le sertissage d'un joyau.
2: les transcriptions où la mélodie empruntée et les parties inventées sont d'une importance égale.
3: la mélodie utilisée peut-être simplement considérée comme une sorte de motto, de motif conducteur, tandis que la partie ajoutée atteint la dimension d'un ouvrage original."


Sonatine Sz. 55 de Bartók, en trois mouvements: Joueurs de cornemuse, Danse de l'ours, Finale.

Ses transcriptions d'airs populaires "peuvent être reconnues par leur titre (Quinze chansons paysannes hongroises, Chants de Noël roumains, etc.).
Lorsqu'il n'y a pas d'indication d'origine, c'est qu'aucune mélodie populaire n'a été employée. C'est le cas de mes ouvrages originaux, comme par exemple toute ma musique de chambre".

Bartók a donc d'abord collecté, étudié et classé le folklore, pour ensuite le transcrire et l'harmoniser, pour qu'il devienne finalement un langage propre, inventé et métissé.

D'après le musicologue roumain Mihai Radulescu, "Bartok s'est exprimé d'une manière inhabituelle jusqu'alors, par les rythmes, formes mélodiques, procédés vocaux et instrumentaux de la mélodie populaire la plus originale; il a fait de la mélodie populaire la substance de sa propre musique, de l'amalgame des musiques des peuples différents (surtout danubiens) et de sa propre intuition il a créé un "folklore imaginaire". Il est vraiment imaginaire non seulement parce qu'il signifie une synthèse, mais surtout parce qu'il est pénétré, dans l'architecture et la force expressive de ses œuvres, d'un esprit qui n'est plus propre au folklore proprement dit, mais à l'art musical classique suivant les traditions allemandes avant tout".

Budapest, Hongrie.


Szia! néhány kép a mesterkurzus:






koncert a Budapest Clarinet Quartet:

fafúvós hangszer kiallitas a Buffet-Crampon és a Vandoren:

Köszönjük és gratulálunk!

dimanche 12 décembre 2010

Les Double-Six

Voici un petit hommage à Mimi Perrin, disparue le mois dernier, et qui fonda le groupe vocal des Double-Six en 1959.

Si vous ne connaissez pas leur travail, je vous propose de découvrir un de leurs textes humoristiques et poétiques (proches du scat) sur Tickle Toe, un grand standard de Lester Young.

Voici d'abord Tickle Toe par l'orchestre de Count Basie:



et la version des Double-Six, arrangée par Mimi Perrin

avec le sax ténor de Frank Foster repris par Eddy Louiss ("Ben tout d'même, moi je n'voudrais pas qu'par bonté pour un bonhomme patibulaire on tape dans l'tas, permettez-moi d'vous parler de mon aventure avec la bande à Rio")

et la trompette de Joe Newman par Claudine Barge ("Tu n'peux pas pourtant, crois moi bien, palabrer pour très longtemps car dis toi qu'ton compte est bon mon ami si la bande à Rio vient")



saxes: "Cours à toute allure mon ami, sur la pointe des pieds tu t'en iras, là".

lundi 6 décembre 2010

Le malambo, la Pampa, et Guastavino.

Pour clore cette petite série consacrée à l'Argentine, voici un éclairage sur l'influence du folklore argentin dans la musique de Guastavino.
Dans Pampamapa, Carlos Guastavino puise son inspiration dans le rythme du malambo.

A l'origine, le malambo est une danse où deux hommes s'affrontent dans un combat de zapateado (frappes des pieds).
Cette danse est celle des gauchos de la Pampa argentine, rythmée par le bombo (gros tambour en bois et en peau), par les frappes des bottes ou celles des boleadores (sorte de lasso sud-américain destiné à la chasse, et dont chaque extrémité de la corde se termine par un petit sac contenant une pierre).



Carlos Guastavino, né dans la région de la Pampa (à Santa Fe), connaissait bien ces traditions des gauchos auxquelles il s'était intéressé.
Dans Pampamapa, le piano solo reprend le rythme caractéristique du malambo, évoquant le galop des chevaux et la Pampa.
S'inspirant de la poésie de Hamlet Quintana (dans la version chantée), la clarinette exprime combien l'appel de la Pampa est plus fort que tout, plus fort même que l'amour pour une femme. Pour que les lèvres de cette femme ne deviennent pas amères, l'homme lui demande de ne pas essayer de le retenir quand il repartira pour la Pampa. Car on n'attache pas le vent.
"Pampa, je te donne ma vie et mes rêves, donne-moi ta sérénité".


Pampamapa, de Carlos Guastavino, extrait du disque "Melodias Argentinas"

Ce besoin du retour à la Pampa est l'expression de la nostalgie, qui est étymologiquement, la maladie (algos) du retour (nostos).
La nostalgie est centrale dans la musique de Carlos Guastavino et peut-être plus généralement dans l'âme argentine.

dimanche 5 décembre 2010

Iguazù, Argentina

Voici le spectacle auquel assista le conquistador Alvar Cabeza de Vaca en 1542:

Le site des chutes d'Iguazù est une merveille de la nature, à la frontière entre l'Argentine et le Brésil.


Baptisées à l'origine "Sauts de Sainte-Marie", elles sont désormais appelées chutes d'Iguazù.


En Guarani, la langue des indiens autochtones, Iguazù signifie "grandes eaux".


Il s'agit en fait d'un ensemble de 160 à 270 cascades réparties sur 2,5 Km.


La plus haute cascade fait 80 m: c'est la Garganta del Diablo, la Gorge du Diable.

vue du Brésil:

vue d'Argentine:



La Gorge du Diable, un lieu hautement inspirant, quoiqu'un peu humide et assez peu calme pour y donner un concert...


Photos et film pris le 17 novembre, par une magnifique journée

dimanche 28 novembre 2010

Buenos Aires, Argentina

La tournée en Argentine a été l'occasion de découvrir un peu de ce pays fascinant.
Un des concerts a eu lieu Villa Ocampo.

Villa Ocampo, détail de la façade.

Voici la description qu'en fait son directeur, Nicolas Helft:

"Villa Ocampo est la demeure historique de Victoria Ocampo, à San Isidro, à la périphérie de Buenos Aires."

Villa Ocampo

"Construite en 1891 sur une rive escarpée du Rio de la Plata, dans un site privilégié, elle fut le refuge d'innombrables intellectuels venus des quatre coins du monde, le lieu de rencontre de quelques-uns des esprits les plus remarquables du 20è siècle: Tagore, Stravinsky, Le Corbusier, Malraux, Ortega y Gasset, Camus, Gabriela Mistral et bien d'autres."


Victoria Ocampo (1890-1979) avec Igor Stravinsky

"Roger Caillois, qui vécut pendant plusieurs années en Argentine, y publia, avec le financement de Victoria, Lettres françaises, une revue ouverte aux écrivains de la France Libre. Ce furent des années d'intenses échanges culturels entre la France et l'Argentine, comme un prolongement particulièrement spectaculaire aux relations si étroites que l'Argentine a toujours entretenues avec la France."

Villa Ocampo, détail.

"La Villa Ocampo accueillit aussi les intellectuels argentins les plus prestigieux, qui fondèrent notamment la revue Sur, dans laquelle Jorge Luis Borges, un des habitués de la maison, publia ses principales fictions."


Villa Ocampo, détail du jardin.

Les Habitants de Buenos Aires sont appelés les « porteños », littéralement les "habitants du port".

La Boca
est un quartier pittoresque aux baraques colorées, l'endroit où la rivière Riachuelo débouche dans le Rio de la Plata et où ont débarqué les émigrants italiens.

Caminito

Caminito
Sentier, que le temps a effacé,
qu'entrelacés un jour
tu nous a vu passer, je suis ici,
une dernière fois
pour te conter mon malheur

(paroles de Peñoloza, d'un tango de Filiberto)

La Boca

Non loin se trouve San Telmo, le quartier le plus ancien de Buenos Aires, avec ses bâtisses coloniales, ses rues pavées et ses églises anciennes.

Un endroit où on joue et on danse le tango dans la rue.


El Afronte, Orquesta Tipica

"Les tangueros ne sourient jamais, ils arborent presque en permanence un air grave, un peu comme s'ils dansaient avec leur destin et craignaient de lui marcher sur les pieds", Vassilis Alexakis (Le premier mot)

"Le tango, une pensée triste qui se danse" (Discépolo).

dimanche 21 novembre 2010

Il vient d'arriver; il est nouveau.

(et contrairement au Beaujolais, il ne donne pas mal à la tête)

Disque Guastavino, chez Transart Live (TR164)


L'Argentine a vu naître dans la seconde décennie du XXème siècle 3 artistes qui illustrent les tendances les plus divergentes de la musique de leur pays : Astor Piazzolla a trouvé dans le modèle du tango urbain la source de son inépuisable inspiration. Alberto Ginastera s'est délibérément inscrit dans le courant moderniste de son époque tout en puisant les éléments de son langage dans la musique populaire argentine.


Quant à Carlos Guastavino, il a su traduire avec des moyens d'expression hérités de l'époque romantique les sentiments de la population paysanne, les «gauchos». En touchant le cœur des humbles, il a conquis ses lettres de noblesse, et demeure l'un des musiciens classiques les plus aimés en Argentine. Sa production pianistique s'échelonne de 1945 à 1975, tout comme les deux cents chansons qui lui ont valu le surnom de "Schubert argentin". Doué du génie de la mélodie, Carlos Guastavino a façonné son style en incorporant à son art du chant les tournures vocales venues des usages musicaux traditionnels.


Aux côtés des pièces originales (Tonada y Cueca; Sonate pour clarinette et piano), j'ai adapté pour la clarinette quelques unes des plus belles chansons du maestro argentin (dont El sampedrino et Rosita Iglesias).

De magnifiques pièces pour piano solo, comme Bailecito, complètent ce programme original.

A découvrir!

mercredi 17 novembre 2010

Beautés de sites...

Si vous aimez les clarinettes anciennes:


...les clarinettes piccolo à plateau (ou les clarinettes piccoli aplaties):


...les clarinettes contra-alto dites "contrebasses en mi b":


...les clarinettes allemandes à trous dédoublés:

...les clarinettes françaises à anneaux et trous de ventilation:


...les mongols qui jouent des clarinettes tordues avec le pavillon sous le coude et des chemises à dragons:


ou les taragots roumains pour gaucher:


et bien rendez-vous d'urgence au chtiot musée des Clariboles et Cie:
http://clariboles-et-cie.blogspot.com/

lundi 8 novembre 2010

Francis Poulenc, sonate pour clarinette et piano.

Poulenc et Cocteau
Toute sa vie, Poulenc a manifesté une prédilection pour les instruments à vent. Dans une lettre adressée  en 1923 à son professeur de composition Charles Koechlin, il avouait même que la clarinette était son "instrument chéri".
Francis Poulenc (1899-1963) a écrit la sonate pour clarinette et piano en 1962. Elle est dédiée "à la mémoire d'Arthur Honegger" et fut créée par Benny Goodman et Leonard Bernstein, au Carnegie Hall à New York, le 10 avril 1963. C'était trois mois après la mort du compositeur.

Poulenc par Cocteau
La création française a été assurée par deux grands artistes: André Boutard à la clarinette et Jacques Février au piano. C'était le 20 juillet 1963, au Festival de musique d'Aix-en-Provence.

Jacques Février (1900-1979) fut l'élève de Marguerite Long au Conservatoire de Paris (1er Prix en 1921). Grand interprète de la musique de Francis Poulenc, il créa en 1932 ,avec le compositeur, le concerto pour 2 pianos. Sa discographie est principalement consacrée à la musique française. En 1963, il a reçu le Grand Prix du Disque de l'Académie Charles-Cros pour son enregistrement consacré à Ravel.

Jacques Février et Maurice Ravel
André Boutard (1924-1998) a étudié la clarinette à Toulouse avec Louis Cahuzac puis au Conservatoire de Paris dans la classe d'Auguste Périer (1er Prix en 1944).
Il fut clarinette solo de l'Orchestre de la Société des Concerts aux côtés de Henri Druart (de 1948 à 1967), clarinette solo de l'Orchestre de l'Opéra Comique (de 1949 à 1972), puis de l'Orchestre de l'Opéra de Paris (de 1973 à 1984).

Malgré les gratouillis d'un 33 tours bien usé, on perçoit parfaitement la qualité de son jeu et son tempérament musical dans cet enregistrement réalisé en 1964 (Le Chant du Monde):




La partition est éditée chez Chester Music. L'édition présente certaines fautes (bien connues des clarinettistes français) comme en témoigne cet enregistrement de référence.

Voici celles qui concernent l'Allegro tristamente:

1 mesure avant "2": jouer un mi
4 mesures après "2": jouer un mi
4 mesures après "3": jouer un do #



Petite facétie de Poulenc: le mouvement porte l'indication "allegretto" avec un tempo très rapide (noire à 136). Le titre Allegro tristamente doit donc être compris dans son sens littéral, et être joué gai tristement, ou tristement gai. Voilà qui donnera du sens à l'interprétation de ce mouvement et qui sied si bien à Poulenc, qui se décrivait lui-même comme oscillant entre "gravité et fantaisie".





"J'achève le lamento d'une sonate pour clarinette et piano dédiée à la mémoire d'Arthur. Je crois que c'est très touchant". Poulenc, à Rocamadour, le 3 juillet 1959.

Dans le deuxième mouvement, Romanza, on peut noter que Jacques Février joue bien l'accord mineur à la fin de la 3è avant "6":



Notez cette respiration après le chiffre "2" et transmise par Boutard, avec la consigne de terminer la phrase dans le même souffle :





Dans l'allegro con fuoco, il y a une correction 1 mesure avant "4": la deuxième croche est un fa bémol:

Ajoutez le sforzando à la 10ème mesure de "11":


Ainsi que les accents, 4ème et 5ème mesure après "13":

 

Voici le "Domine Deus, Agnus Dei" du Gloria de Poulenc, composé  en 1959. Vous reconnaitrez aisément le matériau thématique et harmonique proche de celui utilisé dans la sonate pour clarinette:




mercredi 3 novembre 2010

"Si vous étiez paralysé des deux bras, vous peindriez avec le nez". (de Clémenceau à Monet)

Claude Monet, photographié par Nadar en 1901.
Monet ou le parcours d'un audacieux acharné

Né à Paris en 1840, Claude Monet s'est toujours considéré comme "un indiscipliné de naissance".

Hardiesse...
Caricaturiste de talent, il refuse de passer par la voie royale de l'École des Beaux-arts.

scène marine, par Eugène Boudin en 1894.
En 1858, il rencontre Eugène Boudin, peintre surnommé "le roi des ciels", et installe son chevalet en plein air pour peindre "sur le motif" grâce à une invention récente: les tubes de peintures.

La pointe de la Hève à marée basse, 1865, huile sur toile, Kimbell Art Museum.
Exposé au salon de 1865, les critiques saluent "une manière hardie de voir les choses".

Innovation...
Monet excelle à rendre la réverbération de la lumière, les reflets sur l'eau, l'effet de mouvement et de profondeur grâce à une technique "tachiste" innovante, une touche peu précise mais énergique dans des tonalités froides. On le surnommera d'ailleurs le "Raphaël" de l'eau".

La Grenouillère, 1869, huile sur toile, The Metropolitan Museum of Art, New-York.
Indépendance...

Malgré des débuts prometteurs, Claude Monet va être banni du Salon. En 1874, il prend alors la décision de créer une société anonyme, une coopérative d'artistes qui organisent une espèce de Salon "off". C'est là qu'il va présenter son fameux tableau "Impression, soleil levant" qui va déchainer les critiques et l'incompréhension et donnera son nom à l'impressionnisme.

Impression, soleil levant, 1873, huile sur toile, Musée Marmottan Monet, Paris.

Travail acharné...
Dans la Creuse en hiver 1889, alors qu'il peint en extérieur, le froid est si terrible que ses doigts se couvrent d'engelures. Il les enduit de graisse, met des gants et continue de travailler.
Dans les années 1890, Monet se lance dans ce qui sera les premières séries de l'art occidental: un ensemble de toiles représentant le même motif, comme un thème et variations. Parmi les plus célèbres, on trouve les "Cathédrales" de Rouen, qui sont presque 30 variations de la lumière en fonction de l'heure et du temps.


La Cathédrale de Rouen


Obstination...
Dès 1890, Monet s'installe à Giverny où il fait construire un bassin agrémenté de nénuphars et surmonté d'un pont japonais.
Malgré une cataracte qui le rend presque aveugle et modifie sa perception des couleurs, il travaille sans relâche, notamment autour du thème des nymphéas. Ces recherches vont le conduire jusqu'aux portes de l'abstraction.

Les Nymphéas

Monet meurt en 1926. Bien que pris de doutes, il semble qu'il a toujours eu une certaine conscience de son rôle dans l'histoire de l'art. Son talent naturel, son acharnement au travail, son sens de l'observation et son imagination l'ont mené à la modernité.

"Ce que je ferai ici aura au moins le mérite de ne ressembler à personne, parce que ce sera l'impression de ce que j'aurai ressenti, moi tout seul".