vendredi 5 février 2010

Debussy, Première Rhapsodie pour clarinette et piano

« Le génie musical de la France, c’est quelque chose comme la fantaisie dans la sensibilité » . Debussy

En 1909, Claude Debussy (1862-1918) est élu membre du Conseil Supérieur du Conservatoire de Paris, et écrit le morceau de concours de l’année 1910: la "Première Rhapsodie", pour clarinette et piano, une pièce poétique, capricieuse et brillante.

Claude Achille Debussy

Debussy est attaché à la beauté du son et des timbres.
Il cherche un style français avec des « qualités de clarté et d’élégance », une « tradition française faite de tendresse délicate et charmante ».

Comme pianiste, il travaille la sonorité, veillant au moelleux des graves, guettant la résonance des harmoniques dans l’espace.

Dans la Rhapsodie, il demande de jouer "doux et expressif", puis "doux et pénétrant".
Dans La cathédrale engloutie, il note: "profondément calme", et "dans une brume doucement sonore".

Debussy comme Fauré, est le musicien de la litote et du pianissimo, des demi-teintes et du demi-jour ; mais il sait aussi laisser les passions se déchaîner, comme le montre le tourbillon final de la rhapsodie.

Debussy et Satie

Une interprétation dans le "style français", passe donc par la qualité des nuances, la clarté et la précision de l'articulation, la variété des couleurs du son, ainsi qu'un phrasé souple dans un jeu raffiné et élégant mais aussi brillant et virtuose.

A propos de la souplesse dans le tempo, Debussy lui-même disait sous forme de boutade que, à la façon des roses qui fleurissent l’espace d’un matin, les chiffres métronomiques ne sont utiles que pour une seule mesure, la première !

Voici quelques commentaires de ses contemporains sur son jeu :

« Debussy possédait un Bechstein droit et un petit Blüthner à queue à résonance sympathique. Parmi les Erard, il préférait les instruments de facture ancienne à cordes parallèles, qui étaient tout aussi splendides de timbres, mais d’une précision et d’une légèreté de mécanique merveilleuses. C’est le piano qu’il choisi pour présenter ses Préludes. Debussy produisait une magie sonore identique à celle d’un Gieseking. Il n’y avait rien d’imprécis ni de distendu. C’était exact, rythmiquement. Mais Debussy y ajoutait un caractère, un mordant, quelque chose de bourdonnant, de sauvage, de tigre, que nos contemporains ne possèdent pas ». Lazare-Lévy


« Pianiste incomparable ! Comment oublier la souplesse, la caresse, la profondeur de son toucher ? En même temps qu’il glissait avec une douceur si pénétrante sur son clavier, Debussy le serrait et en obtenait des accents d’une extraordinaire puissance expressive. Là résidait sa technique spéciale, cette douceur dans la pression continue et les couleurs qu’il en obtenait. Il avait une sonorité pleine et intense, sans aucune dureté dans l’attaque ». Marguerite Long


Debussy et Stravinsky

Debussy veut une musique faite pour l’inexprimable:

« La musique n’est pas bornée à une représentation de la nature, mais aux correspondances entre la nature et l’imagination », vers un « paysage intérieur », un « monde subjectif ».

Il place les titres des Préludes pour piano à la fin de chaque morceau, après la musique, comme pour suggérer et non imposer. Les titres (Danseuses de Delphes, Le vent dans la plaine, Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir, La cathédrale engloutie, etc.) ne sont pas à prendre au premier degré; ils sont seulement une invitation à déployer son imagination, une incitation à la rêverie, comme un "catalyseur" de l'inspiration.

Ainsi, d'après Ansermet, pour « La Mer », « la musique éclaire le titre du morceau plus encore que ce titre ne l’éclaire ».


Au piano, Debussy prend de grandes libertés avec son propre texte. Dans les Nocturnes, il hésite tout simplement entre plusieurs corrections et aurait fini par dire : « Prenez celles qui vous sembleront bonnes ! ». Plusieurs exemplaires, ceux de Toscanini ou d’Ansermet, portent des corrections autographes différentes. Pour Debussy, une œuvre n’est jamais définitivement achevée.





Au-delà de certaines ambiguïtés concernant aussi la Première Rhapsodie, voici quelques corrections pour l'édition Durand:

- Dans la première mesure de l'extrait suivant, il manque le point après la blanche, ainsi que l'indication "scherzando":

- Le dernier groupe de notes en levée du chiffre 5, est un sextolet de doubles croches:


- 4ème mesure après le chiffre 5, diminuendo.

- Dans la deuxième mesure de l'extrait suivant, le "do" double-croche est joué "bécarre".
Cinquième mesure, il faut jouer le rythme tel que corrigé ici:

- Le premier groupe de triples-croches de la deuxième mesure de l'extrait suivant, doit être joué "crescendo":



Personnellement, j'ai une préférence pour l'édition Peters, qui propose une mise-en-page beaucoup plus pratique pour la "tourne".
Et, avec en prime, la "Petite pièce", un charmant "déchiffrage" écrit par Debussy pour le Conservatoire de Paris.

Dans cette dernière édition, il manque toutefois les "grands chiffres" qui découpent la pièce chez Durand (comme le chiffre "12" ci-dessous); mais il suffit de les reprendre.

Par ailleurs, il faut changer les notes de la 5ème mesure après "12", en faveur de celles ci-dessous, proposées chez Durand:


Pour finir, voici un livre passionnant sur Debussy et son œuvre, que je vous recommande:

Claude Debussy, Le plaisir et la passion, Gilles Macassar et Bernard Mérigaud

Et puis le conseil de Debussy lui-même:
"Je ne vois pas la nécessité de se mettre les méninges en révolution pour devenir "debussyste" : je crois seulement qu’il s’agit d’avoir un peu de goût".

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