mercredi 29 juin 2011

Aaron Copland, Concerto pour clarinette.

"J'ai quelquefois eu l'étrange sensation d'être divisé en deux, l'austère intellectuel moderniste d'un côté, le compositeur accessible et populaire de l'autre". Aaron Copland

Le compositeur et chef d'orchestre Aaron Copland est né à New-York en 1900 . Tout comme Gershwin (né deux ans plus tôt), il est issu d'une famille modeste d'immigrés juifs de Russie.
En 1921, il vient à Paris pour travailler avec le pianiste Ricardo Viñes. Copland rencontre Nadia Boulanger et , comme de nombreux compositeurs américains à sa suite, il va suivre son enseignement au Conservatoire américain de Fontainebleau. Elle va notamment l'initier à Ravel, Stravinsky et aux musiciens du Groupe des Six. Cette rencontre sera déterminante dans son engagement de compositeur.

Nadia Boulanger (1887-1979) en compagnie d'Igor Stravinsky et Darius Milhaud

De retour aux USA, Copland développe principalement un style néo-classique imprégné d'éléments de folklore américain et sud-américain. La musique est lyrique, et reprend des hymnes et des chansons populaires. Copland se fait connaitre avec deux œuvres fortement inspirées par le jazz, Music for the Theater (1925) et le Concerto pour piano (1926). Puis il établit sa renommée au travers de ballets racontant l'histoire pionnière de l'Ouest américain, dont Billy the kid, une suite orchestrale tirée de The Ballet Caravan (1938), le ballet Rodeo (1942) et surtout Appalachian Spring (1944), écrit pour la compagnie de danse Martha Graham.
El Salon México (1936) est une fantaisie orchestrale, utilisant un pot-pourri d'airs et danses populaires mexicaines.

Aaron Copland (1900-1990)

Copland a aussi manifesté un grand intérêt pour le sérialisme, qu'il a décrit lui-même comme "un nouveau moyen de déplacer les sons qui avait, pour un compositeur, un effet régénérant sur son approche et sa technique". En 1949, bien après les Variations pour piano (1930) et la Short symphony (1934) qui utilisent déjà ce langage, Copland part à Paris. Il compte bien y "débusquer quelques dodécaphonistes". Et c'est Pierre Boulez qu'il va débusquer. Par la suite, le sérialisme va s'imposer dans ses compositions , avec notamment Connotations (1962) et Inscape (1967). Cette dernière fut créée par Leonard Bernstein (à la tête de l'Orchestre Philharmonique de New-York) lors du premier concert télévisé de l'histoire.

Copland a aussi écrit pour le cinéma. En 1949, il a obtenu l'Oscar de la meilleure musique de film pour L'Héritière de William Wyler. On lui doit notamment les musiques de Des souris et des hommes et du Poney rouge de Lewis Milestone, ou encore Au bout de la nuit de Jack Garfein.
Du fait de ses convictions politiques, il fut victime du maccarthysme, son nom rejoignant ceux de Charlie Chaplin, Marlène Dietrich ou encore Orson Welles sur la liste noire du cinéma.




Concerto pour clarinette de Copland
clarinette: Benny Goodman
direction: Aaron Copland

Le concerto pour clarinette et orchestre à cordes (avec harpe et piano), a été composé entre 1947 et 1949. Benny Goodman avait passé commande d'un concerto à Aaron Copland, tout en lui laissant une entière liberté dans l'écriture. La seule demande particulière fut une exclusivité de deux ans, dont Goodman ne profita guère puisque la création n'eut lieu qu'en 1950, à la radio, avec l'orchestre de la NBC sous la direction de Fritz Reiner. Quelques semaines plus tard, l'œuvre fut jouée en public par Ralph McLane avec le Philadelphia Orchestra sous la direction d'Eugene Ormandy. La partition avait été remaniée à la demande de Benny Goodman pour simplification (on peut entendre la première version dans l'enregistrement de Charles Neidich chez Chandos).
Le concerto est en deux mouvements, lent/rapide, reliés par une longue cadence virtuose.
Le premier mouvement , très lyrique, sonne avec ce "bittersweet" (doux-amer) caractéristique de Copland.
Dans son final, le concerto emprunte au jazz certains de ses éléments caractéristiques (accentuations, slap de la contrebasse, glissando final).

"with humour, relaxed" avec une contrebasse en slap

Copland utilise un motif sud américain préalablement exposé dans la cadence. Il semble qu'il l'ait entendu pendant son séjour à Rio de Janeiro en 1947 :


Le final est ludique et plein d'esprit. L'écriture rythmique devient parfois complexe, faisant entendre par exemple du 5/8 dans du 3/4 :


Certains passages ne sont pas sans rappeler l'esprit des cartoons hollywoodiens de Tex Avery :


Voici pour terminer un petit lexique (non exhaustif) des notations anglaises peu courantes que vous trouverez dans le concerto:

plainly: simple et clair, sans détours
perky: guilleret
trifle faster: légèrement plus vite

Grand et spectaculaire glissando final!

Le concerto pour clarinette de Copland est publié aux éditions Boosey & Hawkes

mercredi 22 juin 2011

A Poznań, Pologne

Poznań est la capitale de la voïvodie de Grande Pologne, région à l'ouest de la Pologne. La place du vieux marché (stary rynek) est le centre historique et touristique de Poznań. La voici:

Les festivités de la Saint-Jean, ont donné lieu à ces vues insolites...

A Poznań, mis à part une horde de plombiers polonais, tournevis et clef à molette entre les dents, prêts à déferler sur la France, j'ai croisé de sympathiques personnes, dont les merveilleux musiciens de l'orchestre Amadeus, orchestre de chambre de la radio polonaise, placé sous la direction d'Agnieszka Duczmal.

A Paris, des publicités se font sur les colonnes Morris.


A Poznań sur les ćółónne Mórriś?

jeudi 16 juin 2011

Mozart & Ellington

C'était à Dijon le 9 juin dernier, avec le quatuor Manfred et le Brotherhood Consort, sous la houlette du saxophoniste Raphaël Imbert:


J'ai bien-sûr eu le plaisir de jouer Mozart à la clarinette (dont le magnifique larghetto du quintette K 581, ou la Musique funèbre maçonnique K 477).
Le même plaisir avec les musiques d'Ellington (Black and tan fantasy ou encore Such sweet thunder). Et aussi celui de danser les claquettes sur "David danced before the Lord":



et jouer l'introduction du très beau thème de "My love" à la lame sonore:

Ces dernières pièces sont extraites des "concerts sacrés", composés entre 1965 et 1973. Duke Ellington considérait cette période de composition autour des thèmes religieux comme très importante: "j'ai eu trois éducations: la rue, l'école, la Bible; c'est finalement la Bible qui compte le plus. C'est l'unique livre que nous devrions posséder."

Voici "Heaven", avec le saxophoniste Johnny Hodges et la chanteuse suédoise Alice Babs:

vendredi 10 juin 2011

Raymond Devos et la clarinette

La première fois que j'ai posé les mains sur une clarinette, je ne savais pas où je mettais les pieds!
Raymond Devos

mercredi 1 juin 2011

Scie musicale, Lame sonore & Flexatone.

Des bûcherons argentins, dit-on, auraient découvert qu'en infléchissant d'une certaine manière leur scie égoïne et en la frappant à une place précise, leur outil "chantait".
Courbée en forme de "S", puis frottée en un point précis avec un archet, la lame se met à chanter; et c'est ainsi que la scie devient "musicale".

La scie musicale et la lame sonore (sa variante perfectionnée) font partie des instruments de musique de la famille des idiophones. Celui qui en joue est un "lamiste".
La lame sonore se compose de la lame proprement dite (en acier trempé), de la crosse (ou embase) et d'une manette d'inflexion. Cette dernière permet à la fois de maintenir la courbure en "S" indispensable pour que la lame chante, et de déplacer le "point qui chante", vers le haut de la lame où sa largeur est progressivement plus étroite, donc le son plus aigu, ou vers le bas de la lame, dont la largeur est progressivement plus large produisant donc un son plus grave. Le vibrato s'effectue grâce au mouvement de la jambe droite.

Marlène Dietrich à la lame sonore

Voici ce qu'a écrit le compositeur Henri Sauguet en 1949 à propos de la lame sonore: "Ce nouvel instrument vient ajouter sa noble et belle voix au groupe des instruments chanteurs mis au service de l'expression musicale. Poétique par essence, propre aux sentiments nostalgiques, douloureux, extatiques, mais aussi fait pour la prière et la sérénité".



Le flexatone fait aussi partie des instruments de cette famille des idiophones, c'est-à-dire des instruments dont le matériau lui-même produit le son.
Voici un extrait du concerto pour piano de Khatchaturian. A 2'38, vous entendrez un grand solo de flexatone.



Ce solo est souvent joué à la lame sonore; elle le rend encore plus étrange et beau!