vendredi 29 juillet 2011

Le Japon et la musique classique

jardin du temple Hokokuji à Kamakura

En 1549, le missionnaire jésuite François-Xavier débarque à Kagoshima et entreprend l'évangélisation du Japon.
A sa suite, le père Valignano envoie au pape et à Philippe II une ambassade de quatre chrétiens japonais.
Voici cet épisode historique aux conséquences inattendues raconté par Nicolas Bouvier dans "Chronique japonaise":


"chronique japonaise" de Nicolas Bouvier, éditions "petite bibliothèque Payot"

"Il les choisit jeunes -quatorze ou quinze ans- pour qu'ils supportent mieux les rigueurs du voyage, soient plus impressionnés par le spectacle qu'on leur prépare, et puissent témoigner plus longtemps des merveilles qu'ils ont vues. Et pour donner plus de lustre à ces émissaires, on les présentera à l'Europe comme "fils des rois du Kyushu".
Au printemps 1582, le bateau quitte la côte japonaise.
(...)
Pendant les dix ans que dure l'aller-retour, les premiers Japonais à visiter l'Europe tiennent un journal. On sait ainsi ce qui les frappe et comment ils ont passé leur temps. En route, ces enfants se découvrent une passion qui sera pour le Japon plus durable que celle du Christ: la musique occidentale.
À Macao, pendant neuf mois d'attente, ils font du latin...et travaillent le clavecin, qui semble les ravir. À Cochin, à Gao, où ils sont superbement reçus, encore du latin... et du luth, du hautbois, de l'épinette. Pendant l'interminable circumnavigation d'Afrique ils pêchent des poissons volants...et étudient le contrepoint et l'harmonie, choses qu'ils disent déjà "fort appréciées des Japonais". À Evora, l'archevêque fait célébrer en leur honneur une grand-messe dont les accents polyphoniques ont dû leur faire dresser l'oreille.
(...)
En 1592, les ambassadeurs - ce sont maintenant des hommes - regagnent le Kyushu, couverts des bénédictions les plus hautes.
Dans leurs bagages, Miguel Seïmon, Martin Hara, Mancio Iti et Julien Nakaura ramènent aussi - n'en doutez pas - quelques partitions, quelques instruments de musique, et deviennent à leur insu les précurseurs du Karasiku (la musique classique), cette religion qui règne aujourd'hui sur le Japon des "hi-fi", des "coffee-music" où la Symphonie pathétique ne coûte que vingt yens en sus de la consommation, et dont les prophètes, du bienheureux Palestrina à saint Beethoven, sont entrés tout droit et sans tapage dans l'auguste Panthéon japonais.
Mais c'est le propre des longs voyages que d'en ramener tout autre chose que ce qu'on y allait chercher."

jardin du temple Hokokuji à Kamakura

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