mercredi 6 février 2013

"Han" et "Jeong" chez les Coréens

Le han et le jeong sont deux sentiments propres à la culture coréenne. Les voici décrits par Martine Prost dans son très joli livre "Scènes de vie en Corée" (éditions L'Asiathèque):


"On connait la nostalgie, la tristesse ou le ressentiment. Ce sont des sentiments universels.
Le han est spécifique à la Corée. Il désigne un état psychique douloureux où se mêlent chagrin, affliction, mélancolie, nostalgie, manque, insatisfaction, désespoir, détresse, souffrance, regret, attachement, impatience, oppression, jalousie, ressentiment, lamentation, frustration, acédie..."


"Ce qui caractérise le han c'est l'absence d'espoir de se sortir de la situation dans laquelle on est tombé. C'est se sentir victime sans espoir de retour, de changement, de réparation ou de compensation, et se révolter intérieurement. Tant qu'il y a espoir de trouver une voie de sortie, on n'est pas vraiment dans le han."


"Il n'a pas d'équivalent, ni au Japon ni en Chine. Le han c'est un cri intérieur infini et profond, indissociable du contexte historique et socioculturel de la Corée. On peut parler de "han collectif" pour désigner le ressentiment que les Coréens éprouvent envers le Japon colonisateur ou envers le Nord envahisseur."


"Sans le han, Arirang, la chanson populaire la plus chère aux cœurs des Coréens, n'aurait pas la même profondeur ni la même résonance.
Sans le han, on ne percevrait pas de la même façon le pansori, expression par excellence de l'acharnement de la personne humaine à aller jusqu'au bout de sa voix pour y faire vibrer avec sensibilité et humour tout ce que le corps a pu, en l'espace d'une vie, accumuler d'amour et de désespérance."



"Des gestes de bienveillance, on en voit dans tous les pays du monde. Une vieille dame que l'on aide à descendre d'un bus, pas de quoi s'extasier! Sauf qu'en Corée un tel comportement dépasse le simple code de politesse ou d'assistance aux personnes âgées. Il est l'expression du jeong, sans lequel un Coréen n'est pas un Coréen."


"Ce terme surgit triomphalement chaque fois que l'on vient à parler avec les Coréens de leur peuple et de sa psychologie. Pour eux cela ne fait aucun doute: ils ont du jeong; et nous n'en avons pas. Qui en France prendrait le temps d'accompagner jusque chez elle une vieille dame rencontrée dans le bus? L'aider à descendre, c'est tout-à-fait envisageable, et même probable. Mais pousser la gentillesse jusqu'à lui acheter une gâterie et la raccompagner à son domicile, ce n'est pas commun."


"Le jeong est discret. Son intensité, il la tient de son talent à aller à pas feutrés, à agir en silence, sans se faire remarquer. Le propos, c'est de s'effacer  pour laisser l'acte occuper le devant de la scène. La discrétion en fait la beauté."


"Ainsi le jeong s'accorde tout-à-fait avec le bouddhisme, pour qui les humeurs, les passions et les désirs sont des phénomènes éphémères et excessifs. Le bouddhisme leur préfère le jeong, plus stable, moins échevelé et plus proche de la notion de compassion fondée, tout comme lui, sur un effacement de l'ego."


Photos d'un temple bouddhiste à Séoul, en Corée du Sud.


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