dimanche 16 janvier 2011
dimanche 9 janvier 2011
Les Contrastes, de Bartók (1)
L’histoire de Contrastes commence en août 1938. Dans une lettre adressée à Béla Bartók, le violoniste Joseph Szigeti officialise la commande, en collaboration avec le clarinettiste Benny Goodman, d’un « duo clarinette-violon, avec accompagnement de piano ».Il souhaite que la pièce comporte « deux mouvements indépendants, pouvant éventuellement être joués séparément (comme la première Rhapsodie pour violon) ».
Béla Bartók (1881-1945)
Par ailleurs, Szigeti fait la demande « d’une durée d’environ 6-7 minutes », « de façon qu’elle puisse être contenue sur un disque 78 tours », le format standard de l’époque. En ajoutant que, « bien-sûr nous espérons qu’elle inclura une cadence brillante pour la clarinette et pour le violon ! ». Szigeti et Bartók, tous deux compatriotes, entretiennent une relation depuis les années vingt. Szigeti est le créateur et dédicataire de la Première Rhapsodie pour violon et piano (1928). Szigeti présente Benny Goodman comme «l’idole mondialement connue de la clarinette jazz », invitant Bartók à ne pas être « effrayé par les disques hot jazz, Goodman ayant aussi enregistré le quintette de Mozart avec le Budapest Quartet ». Szigeti lui assure que « tout ce que peut physiquement une clarinette, Benny peut le faire, et merveilleusement ». Bartók en tiendra d’ailleurs compte, puisque la partition est redoutable techniquement, montant jusqu’au contre-si bémol, et chargée de tant de notes que Goodman trouva que « la partition semblait couverte de chiures de mouches »...
Benny Goodman (1909-1986)
Les Contrastes de Bartók ont été créés au Carnegie Hall de New York le 9 janvier 1939 par les deux dédicataires et Endre Petri au piano. La pièce porte alors le titre de "Rhapsodie pour clarinette, violon et piano", avec en sous-titre "Deux danses".
On perçoit donc clairement la référence aux deux mouvements traditionnels de la Czardas : lassù (verbunkos, danse de recrutement) et friss (sebes, danse vive).
Affiche de la création
Le succès est au rendez-vous.
Voici le témoignage de Szigeti : « Nous avons rejoué le deuxième mouvement parce qu’au cours de la première exécution ma corde de mi s’était cassée. Par le truchement de Benny Goodman, cette première a obtenu dans la presse un retentissement qu’aucun compositeur ou interprète de notre milieu ne pouvait espérer. »
Voici un extrait de la critique du “New York Times” du lendemain: "La pièce est aussi hongroise qu’un goulasch, et Mr Goodman a été assez artiste pour se retenir de toute insinuation au swing. En effet, en considérant qu'il avait probablement quitté la scène du Théâtre Paramount quelques minutes avant d’apparaître sur celle de Carnegie Hall, la pureté de son style, le brillant et la propreté technique ont été particulièrement admirables ».
Le critique a été impressionné par la musique, bien qu’à son avis, "Bartók n’a épargné ni les doigts, ni les oreilles, ni les lèvres des interprètes."
Szigeti, Goodman et Bartók
Au début de 1940, Bartók émigre aux États-Unis. Il plaide pour insérer un mouvement central (noté Intermezzo sur le manuscrit, puis baptisé Pihenö) entre le Verbunkos et la Sebes.
Le compositeur n’est pas convaincu du titre Rhapsodie. Il rejette aussi la proposition de Szigeti et Goodman, d’abord de "Deux Danses" puis "Trois Danses".
C’est finalement le titre de "Contrastes" qui va être retenu.
En 1941, Goodman et Szigeti vont enregistrer le trio avec Bartók lui-même au piano pour le label Columbia Records.
Les Contrastes, de Bartók (2)
Contrastes est écrit pour une combinaison instrumentale peu usitée, imposée bien-sûr par la commande. C’est, dans le catalogue des œuvres de musique de chambre de Bartók, la seule avec un instrument à vent.
Contrastes présente la curiosité d’être un trio pour 5 instruments : clarinette en la, clarinette en si bémol, violon, violon scordatura (accordé sol#, ré, la, mib) et piano.
Bartók n’utilise pas les musiques populaires au sens propre, mais les prend pour modèle spirituel, d’où la couleur fascinante et unique de cette musique, véritable folklore inventé et imaginaire.
Ce mouvement correspond au lassù de la Czardas.
Le verbunkos est traditionnellement une musique dansée par les soldats en uniforme de cérémonie lors des séances de recrutement organisées par l’armée austro-hongroise des Habsbourg au début du XVIIIe siècle.
Dans ce mouvement, Bartók fait référence à différents éléments en rapport avec le folklore hongrois : des rythmes pointés « magyars », le bokazó (cadence rythmique imitant les coups de talon des cavaliers hongrois), l’ambigüité majeur/mineur, une écriture du violon avec des grands sauts d’intervalles, l’ornementation de la tonique ou l’insistance sur l’intervalle de la quarte.
Le traitement harmonique est riche, faisant appel par exemple aux gammes par tons, au mode lydien, à l’échelle octotonique, ou à la polymodalité chromatique.
Ce mouvement fait la part belle à la clarinette avec une cadence à la fin.
Pihenö : « repos », « relaxation »
On trouve dans ce mouvement l’inspiration du son du gamelan indonésien, tout comme dans le dernier mouvement du Concerto pour Orchestre ou De l’île de Bali, dans Mikrokosmos.
Les gammes pentatoniques et des intervalles mélodiques de secondes et de quartes de cette musique, se trouvent être aussi des caractéristiques de la musique folklorique hongroise.
Elle correspond au friss de la Czardas. Dans ce mouvement, Bartók emprunte au folklore roumain une de ses danses caractéristiques de la région des Maramures, avec ses notes répétées avec appogiatures.
Il emprunte aussi au folklore bulgare le rythme (8+5)/8, lui-même superposition de deux rythmes : (3+2+3+2+3)/8 (au piano) et (1+2+2+2+1+4+1)/8 (à la clarinette et au violon).
C’est cette fois au violon que Bartók destine sa cadence.
Contrastes est une pièce très originale, qui puise son inspiration notamment dans les formes et musiques populaires hongroises, roumaines, bulgares ou du gamelan indonésien.
On peut noter que le contact avec Benny Goodman n’a pas incité Bartók à utiliser le langage du jazz.
Bibliographie: Bartók et le folklore imaginaire de Jean-François Boukobza, éditions Cité de la Musique 2005.
samedi 1 janvier 2011
Les Bons Becs vous souhaitent une joyeuse année 2011
dimanche 26 décembre 2010
musique et langue
Tout cela se retrouve aussi dans la musique française.
Quant à la langue espagnole, ce sont les consonnes qui sont importantes, ce qui confère un aspect plus tranchant et rythmique à sa musique. La langue allemande est quant à elle plus lourde et avec de longs mots, et de longues combinaisons de sons.
Young People's Concerts, Leonard Bernstein and the New York Philharmonic
samedi 18 décembre 2010
Bartók et le folklore
Il y a peu de points communs entre l'Argentine et la Hongrie, si ce n'est l'importance des musiques traditionnelles et leur influence chez les compositeurs savants.
Bartók est évidemment la figure emblématique de ces compositeurs qui ont puisé leur inspiration dans les folklores. On peut même le considérer comme un des premiers ethnomusicologues.

Bartók et Kodály ont partagé la volonté de se tourner vers les racines de leur pays, et dès 1905, avec l'aide du phonographe Edison, ils sont partis collecter des milliers de chants populaires et de musiques rurales.
Bartók a élargi ce travail à la Roumanie, la Slovaquie, l'Ukraine, la Bulgarie et jusqu'en Algérie et en Anatolie.
musiques du folklore hongrois
Voici comment Bartók a défini en 1941 sa position de compositeur face au matériau folklorique:
"Concernant les transcriptions de musique folklorique, j'ai quelques remarques à émettre. Ces dernières peuvent être approximativement divisées en 3 catégories:
1: les transcriptions où la mélodie utilisée constitue la part la plus importante de l'œuvre. L'accompagnement ajouté et les préludes et postludes éventuels peuvent être seulement considérés comme le sertissage d'un joyau.
2: les transcriptions où la mélodie empruntée et les parties inventées sont d'une importance égale.
3: la mélodie utilisée peut-être simplement considérée comme une sorte de motto, de motif conducteur, tandis que la partie ajoutée atteint la dimension d'un ouvrage original."
Sonatine Sz. 55 de Bartók, en trois mouvements: Joueurs de cornemuse, Danse de l'ours, Finale.
Ses transcriptions d'airs populaires "peuvent être reconnues par leur titre (Quinze chansons paysannes hongroises, Chants de Noël roumains, etc.).
Lorsqu'il n'y a pas d'indication d'origine, c'est qu'aucune mélodie populaire n'a été employée. C'est le cas de mes ouvrages originaux, comme par exemple toute ma musique de chambre".
Bartók a donc d'abord collecté, étudié et classé le folklore, pour ensuite le transcrire et l'harmoniser, pour qu'il devienne finalement un langage propre, inventé et métissé.
D'après le musicologue roumain Mihai Radulescu, "Bartok s'est exprimé d'une manière inhabituelle jusqu'alors, par les rythmes, formes mélodiques, procédés vocaux et instrumentaux de la mélodie populaire la plus originale; il a fait de la mélodie populaire la substance de sa propre musique, de l'amalgame des musiques des peuples différents (surtout danubiens) et de sa propre intuition il a créé un "folklore imaginaire". Il est vraiment imaginaire non seulement parce qu'il signifie une synthèse, mais surtout parce qu'il est pénétré, dans l'architecture et la force expressive de ses œuvres, d'un esprit qui n'est plus propre au folklore proprement dit, mais à l'art musical classique suivant les traditions allemandes avant tout".
Budapest, Hongrie.
dimanche 12 décembre 2010
Les Double-Six
Si vous ne connaissez pas leur travail, je vous propose de découvrir un de leurs textes humoristiques et poétiques (proches du scat) sur Tickle Toe, un grand standard de Lester Young.
Voici d'abord Tickle Toe par l'orchestre de Count Basie:
et la version des Double-Six, arrangée par Mimi Perrin
avec le sax ténor de Frank Foster repris par Eddy Louiss ("Ben tout d'même, moi je n'voudrais pas qu'par bonté pour un bonhomme patibulaire on tape dans l'tas, permettez-moi d'vous parler de mon aventure avec la bande à Rio")
et la trompette de Joe Newman par Claudine Barge ("Tu n'peux pas pourtant, crois moi bien, palabrer pour très longtemps car dis toi qu'ton compte est bon mon ami si la bande à Rio vient")
saxes: "Cours à toute allure mon ami, sur la pointe des pieds tu t'en iras, là".
lundi 6 décembre 2010
Le malambo, la Pampa, et Guastavino.
Dans Pampamapa, Carlos Guastavino puise son inspiration dans le rythme du malambo.
A l'origine, le malambo est une danse où deux hommes s'affrontent dans un combat de zapateado (frappes des pieds).
Cette danse est celle des gauchos de la Pampa argentine, rythmée par le bombo (gros tambour en bois et en peau), par les frappes des bottes ou celles des boleadores (sorte de lasso sud-américain destiné à la chasse, et dont chaque extrémité de la corde se termine par un petit sac contenant une pierre).
Carlos Guastavino, né dans la région de la Pampa (à Santa Fe), connaissait bien ces traditions des gauchos auxquelles il s'était intéressé.
Dans Pampamapa, le piano solo reprend le rythme caractéristique du malambo, évoquant le galop des chevaux et la Pampa.
S'inspirant de la poésie de Hamlet Quintana (dans la version chantée), la clarinette exprime combien l'appel de la Pampa est plus fort que tout, plus fort même que l'amour pour une femme. Pour que les lèvres de cette femme ne deviennent pas amères, l'homme lui demande de ne pas essayer de le retenir quand il repartira pour la Pampa. Car on n'attache pas le vent.
"Pampa, je te donne ma vie et mes rêves, donne-moi ta sérénité".
Pampamapa, de Carlos Guastavino, extrait du disque "Melodias Argentinas"
Ce besoin du retour à la Pampa est l'expression de la nostalgie, qui est étymologiquement, la maladie (algos) du retour (nostos).
La nostalgie est centrale dans la musique de Carlos Guastavino et peut-être plus généralement dans l'âme argentine.
dimanche 5 décembre 2010
Iguazù, Argentina
Baptisées à l'origine "Sauts de Sainte-Marie", elles sont désormais appelées chutes d'Iguazù.
En Guarani, la langue des indiens autochtones, Iguazù signifie "grandes eaux".
Il s'agit en fait d'un ensemble de 160 à 270 cascades réparties sur 2,5 Km.
La plus haute cascade fait 80 m: c'est la Garganta del Diablo, la Gorge du Diable.
vue du Brésil:
La Gorge du Diable, un lieu hautement inspirant, quoiqu'un peu humide et assez peu calme pour y donner un concert...